Nous étions faits pour être heureux

Olmi Véronique

LGF







Extrait



Il est là, en face de moi, place des Abbesses. Il ne me voit pas. Le col de son manteau est relevé, il a mis ses gants de cuir brun, son écharpe Hermès. Les lumières du manège lancent des éclairs crus et colorés sur son visage, marquent ses cernes, et les rides à son front. Il lève parfois la main pour répondre au «coucou» de Chloé, assise sur un cheval de bois.
Il lui sourit, mais le manège a tourné, Chloé ne le voit pas, et son sourire devient nu, presque misérable sous les lumières flottantes.
Il va s'asseoir sur un banc de la place. Allume une cigarette. Il écarte les jambes, laisse ses bras tomber entre ses genoux, regarde quelque chose à ses pieds.
Ou ne regarde pas.
Le manège tourne toujours. Les enfants crient de joie et la brume flotte devant leur bouche, le vent soulève leurs cheveux, je pense à deux choses : ces enfants pourraient avoir une otite. Et aussi : je pourrais m'approcher de l'homme assis sur le banc et partir avec lui.
Encore une fois.
Mais le manège s'arrête, le tour est terminé.
L'homme écrase sa cigarette, quitte le banc pour aider sa fille à descendre du cheval de bois. Il lève la tête et me voit. Se fige. Son enfant à bout de bras. Son regard s'agrandit, l'air lui manque. Chloé s'agrippe à lui, lui tord le cou, tire sur ses épaules, son écharpe.
Je fais un signe de la main. Avant de m'en aller.
--Ce texte fait référence à l'édition






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9782253194859
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