L'institutrice d'Izieu

Missika Dominique

SEUIL







Extrait



Extrait du préambule

Quand ai-je entendu parler pour la première fois de l'institutrice d'Izieu ? Probablement en 1987 au moment du procès Barbie, et sûrement quand, en 2000, Gabrielle Perrier-Tardy apparaît à l'écran, alors que je visionne les images du procès, le temps de sa déposition, terriblement intimidée et bouleversante.
Sur ordre de l'officier SS Klaus Barbie, ses élèves ont été raflés le jeudi 6 avril 1944. À la barre, elle les décrit du mieux qu'elle peut. À ses yeux, c'étaient des enfants comme les autres. Elle savait qu'ils étaient juifs, peu lui importait, elle était leur institutrice, et sa mission était de leur apprendre à lire, à compter et à écrire. Elle ne sait pas qui les a dénoncés.
Est-elle une héroïne ? Certes non. Elle n'a pas pris les armes et risqué sa vie. Mais elle a été exemplaire. Est-ce si simple de savoir comment se conduire ? Quand les uns se détournent ou refusent de tendre la main, elle, ignorante de beaucoup de choses, a fait son devoir, et au-delà. Maîtresse d'une classe unique, une quarantaine de filles et de garçons de 5 à 17 ans, elle s'est employée à les instruire comme tous les écoliers de France. Sauf que la mort les attendait. Jusqu'à la fin de sa vie, elle exprimera le regret de ne pas avoir eu conscience du danger qui les cernait.
En 1944, elle a 22 ans. La scène atroce de la rafle, qu'elle n'a pu qu'imaginer, a introduit en elle le sens du mal, et elle ne s'en est jamais remise. Jamais elle ne s'éloignera longtemps des lieux du drame. Sans doute a-t-elle aimé contempler les paysages du Bugey où elle était née et où les enfants avaient cru trouver refuge.

Pourquoi écrire sa biographie ? Parce que l'institutrice est restée discrète, silencieuse, anonyme, alors qu'elle incarne la noblesse d'âme, la dignité, la modestie. Sa vie, en apparence minuscule, brisée par l'Histoire avec sa grande hache, comme le disait Georges Perec, symbolise les souffrances muettes de la guerre.
A-t-on jamais vu une maîtresse dont les quarante-quatre élèves ont été raflés ? Elle n'est ni orpheline de guerre, ni veuve de guerre, ni parente de victime, mais elle en a tous les stigmates.
L'histoire retient à peine son nom. C'est ainsi. Au lendemain de la guerre, on l'ignore, on la relègue au deuxième plan. Gabrielle Perrier-Tardy est hors caméra. Parce qu'elle ne réclame rien, parce qu'elle est «invisible» aux yeux de beaucoup, et parce qu'elle croit que son témoignage ne compte pas. Parce qu'elle a fait le choix, aussi, de se tenir à sa juste place par rapport à un événement dont elle n'est pas un acteur principal. Seule la justice, quarante-trois ans plus tard, lui accordera un peu de reconnaissance.



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EAN
9782021142105
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