Il faisait chaud cet été-là

Lestrade Agnès de

ROUERGUE

1. Partir avec toi

Tu te souviens, Violette, il faisait chaud cet été-là. Nous étions parties en vacances chez ta grand-mère, en Provence. C'était l'été de nos quatorze ans.
Dans le train, tu chantais le dernier tube de Madonna. Tes yeux dorés fixaient le paysage qui filait par la fenêtre et toutes les cinq minutes, tu posais ta main sur mon bras:
- Tu es contente Blanche, dis, tu es contente?
J'ai l'impression que c'était hier.

En quittant Le Havre, le ciel s'est mis à changer. Les nuages lourds ont laissé place au soleil du Sud qui se reflétait dans les champs. On sentait la chaleur à travers la vitre. La météo avait annoncé un été de canicule.
Bien installées dans le train climatisé, nous dévorions nos sandwiches au thon en buvant nos canettes de soda. C'est ce que j'aime dans les voyages. On peut s'attarder sur des petits plaisirs banals comme s'ils étaient les plus grands bonheurs du monde.
Sur le siège d'en face, un vieux monsieur s'était endormi. Un enfant, sans doute son petit-fils, jouait avec sa DS 3D. Les doigts crispés, il poussait de temps en temps un cri de victoire. Comment osait-il rompre le ronron régulier du train? Comment osait-il déranger notre joie toute fraîche de début de vacances? Tu l'as fixé intensément, espérant le faire taire et il t'a tiré la langue.
- Tu te prends pour qui, microbe! tu as lâché d'une voix dure.
Ta mâchoire s'est serrée, tu as saisi son bras et tu l'as secoué violemment. L'enfant s'est mis à pleurer et sans ciller, tes yeux ont repris leur place dans le rectangle de lumière.
J'ai sorti un sachet de fraises Tagada de mon sac et je lui ai tendu. Tout en séchant ses larmes, il a plongé ses doigts dedans et tu m'as dit:
- Tu es trop bonne, Blanche, c'est ton seul défaut! Tu as ri en regardant la bouche rouge de l'enfant et tu lui as proposé une partie de «ni oui ni non». Nous avons fini le trajet au milieu de questions idiotes tandis que son grand-père continuait à somnoler paisiblement.

Après des heures, le train s'est enfin arrêté en gare d'Aix-en-Provence. Tu t'es dressée pour attraper nos valises et tu as posé un baiser sur la joue sucrée de ton nouvel ami. Violette-la-charmeuse!
Je te regardais tournoyer dans ta robe jaune et je me disais que ce prénom avait été inventé pour toi.
Violette... ça sent bon, ça virevolte, brille, étonne, égaie. Comme toi.

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EAN
9782812605239
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