Et soudain tout change

Legardinier Gilles

FLEUVE EDITIONS







Extrait



Il fait déjà nuit, un peu froid. Après la fin des cours, nous avons quitté le lycée aussi vite que possible. La perspective d'avoir à traverser la moitié de la ville par ce temps hivernal ne réjouit personne, mais nous sommes tous décidés. Il a fallu ruser pour obtenir l'adresse.
Une brume humide flotte sur les rues désertes. Sur le bitume, les réverbères projettent des cercles lumineux que nous traversons les uns après les autres, comme des pions parcourant un plateau de jeu de l'oie. A la dernière case, une petite victoire nous attend peut-être.
Pauline traîne derrière, comme une enfant que l'on emmène contre son gré. C'est pourtant à cause d'elle que nous sommes là, pour l'aider et la soutenir. Seule, elle n'aurait jamais eu le courage d'affronter Mlle Mauretta.
A quelques pas devant, Axel et Léo marchent en discutant de la meilleure façon d'effondrer un pont de chemin de fer. Allez comprendre les garçons... Ils ont déjà avalé au moins deux paquets de gâteaux. Derrière eux, j'avance aux côtés de Marie en essayant de les suivre. Léa n'est pas là, et elle me manque.
Notre petit groupe se connaît depuis des années, pour certains depuis la maternelle. Même si nous n'étions pas toujours dans les mêmes classes, nous ne nous sommes jamais perdus. Cette année - la dernière au lycée - nous sommes enfin tous réunis. J'en rêvais à chaque rentrée, et c'est arrivé in extremis, avant que tout le monde ne prenne des directions différentes. Je savoure cette chance tous les jours. J'aime être au milieu de mes amis. J'aime l'idée d'avoir rendez-vous avec eux, d'avoir des choses à faire ensemble. Je les considère comme ma deuxième famille. Je ne sais pas s'ils éprouvent le même sentiment parce que personne ne parle de ces choses-là, mais moi je sais que je les aime, et que c'est d'abord pour les retrouver que je suis heureuse de partir en cours chaque matin.
Je ne sais plus exactement comment nous avons pris l'habitude de nous sortir de nos galères ensemble. A quel moment avons-nous compris que cela marchait mieux ? Je crois que la première fois, c'était en CM1, lorsque Léa s'est fait voler sa trousse en récréation par une petite brute de 6e. Elle pleurait si douloureusement que j'avais juré d'aller la reprendre par la force s'il le fallait. J'étais tellement furieuse que ni la taille du voleur, ni le fait qu'il soit deux classes au-dessus ne m'impressionnaient. En me voyant partir comme on part à la guerre, Axel, qui était déjà plus grand que nous, m'avait rattrapée.
- Camille, tu n'y vas pas toute seule. Je viens avec toi.



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EAN
9782265097506
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