La survivance

Hunzinger Claudie

J'AI LU







Extrait



Avanie savait que nous avions perdu : ses longues oreilles captaient au loin les présages. Dès la nuit tombée, elle nous attendait, mélancolique, de tout son pelage gris.
Il fallait rendre les clés le 1er mai au matin et nous n'avions nulle part où aller. Deux semaines avant l'expulsion, Sils et moi, en compagnie de Betty, nous cherchions encore, mais tout loyer était devenu hors de nos prix. Au retour, nous tombions dans le grand canapé rouge de la librairie, incrédules, consternés. On dirait que c'est le printemps, a dit Sils, un soir, avec un petit rire ironique, celui qu'on prend devant un piège pour le déjouer.

C'était un soir de printemps en avance, d'une réalité à vous faire frissonner, si bien que, durant cet incroyable mois d'avril, quelque chose semblait nous être donné et en même temps retiré. Je n'en ai gardé qu'une seule impression : funèbre. Comme de Sils et moi d'ailleurs. Nous avions déjà l'air à la rue, défraîchis, défaits - avec distance néanmoins.
Nous, oui.
Betty, non.
Au bout d'une journée d'errements, elle était la seule de nous trois à être bien. Pas même besoin de se laver, elle, toujours de beaux cheveux, toujours de jolies robes, disait Sils.
Betty était une petite chienne blonde aux yeux noirs soulignés de khôl. Ses babines aussi étaient noires, d'un noir plus sexy que n'importe quel rouge à lèvres, et le blond de son pelage, platine et vaporeux. Elle avait une sorte de grâce d'une féminité absolue qu'elle conservait quand la vie réelle devenait pour nous trop déplaisante, et c'était peut-être le message que ce berger des Pyrénées était chargé de nous transmettre.
La porte-fenêtre était ouverte sur la nuit.
Sils, à demi couché sur la table, la tête posée sur son bras, grommelait, quel merdier ! quel merdier !
--Ce texte fait référence à une édition épuisée ou non disponible de ce titre.


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EAN
9782290069806
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