Indonésie

L?Indonésie, c?est d?abord une nature étrange et généreuse. On se baigne dans un lac vert où des milliers de méduses vous effleurent de leurs tentacules dont le poison a disparu, on y randonne au milieu de lézards géants, etc. Et à travers l?archipel on rencontre des cultures uniques: à Sumatra, un peuple de pieux musulmans où les femmes « mènent la danse »; à Sulawesi, une civilisation où l?on ne vit que pour célébrer sa propre mort; partout, des peuples à l?esthétique fascinante. L?Indonésie ne figure pas parmi les poids lourds du tourisme régional. On y trouve des cafés américains, des croissants français, de la pop coréenne, mais l?immense archipel forme toujours un monde en soi. Au fil des siècles, les rajas se tournèrent vers l?Ouest, de l?Inde au monde arabe lorsque l?archipel fut islamisé, puis vers l?Europe lorsqu?il fut colonisé par les Hollandais. Mais ces multiples influences ont été passées au tamis; il n?en reste que des éléments épars, intégrés. Ailleurs, islam et animisme, modernité politique et traditions s?excluraient; en Indonésie, elles cohabitent harmonieusement. Pourtant, dans la troisième démocratie au monde, la corruption est monnaie courante? La chute de Suharto en 1998, sous la pression de la rue, ne fut pas aussi brutale que l?on pourrait le croire. Plus d?une décennie après la Reformasi, le pays n?a toujours pas totalement tourné la page de la dictature: si les règles du jeu ont changé, les acteurs principaux sont globalement les mêmes. L?Indonésie est à un point clé de son histoire. Elle hésite entre le dynamisme de l?Asie et la langueur de l?Océanie, entre démocratie et oligarchie, entre un boom qui fait exploser sa classe moyenne et des pesanteurs qui la tirent vers le bas, entre les séductions de l?allié occidental et l?ancrage moral musulman. Pourtant, elle reste unique par sa beauté et son ouverture, par sa nature et sa culture, par ce génie qui lui a permis de rester elle-même en absorbant sans cesse des influences contradictoires.