Branta Bernicla

Guillet Pascale

GALLIMARD

Une semaine de la vie d?un trader français à Londres, une semaine a priori très ordinaire dont Simon tient la chronique au plus infime du quotidien. Tout commence un lundi matin presque comme les autres, lesté par la fatigue d?une nuit passée avec Elena, sa compagne routinière du
dimanche soir. Son équipe opère sur le marché des matières premières et, pour ce qui concerne le narrateur, sur celui des hydrocarbures. La réunion vient de commencer, chacun expose son scénario pour les jours à venir, prévoyant hausse ou baisse du baril de pétrole. Simon argumente et finit par emporter le morceau: plutôt acheter à contre-courant de la tendance actuelle. Pari stupide ou pas, ce sera l?un des fils rouges du livre, dont nous suivrons les péripéties jusqu?à la clôture boursière du vendredi suivant.
Entre-temps, il y aura eu quelques sueurs froides et coups de chauds: début de la révolution tunisienne et séisme au Japon, mais pour le reste, rien à signaler ou si peu. Les us, coutumes et rendez-vous rituels entre collègues: fitness en salle de sport, déjeuner au sushi bar du coin, soirée télé câblée, recours à un « personnal trainer », consultation obsédante d?un Blackberry, outre les huit écrans de son bureau, lecture du Times et des rubriques sport et people, apéritif en club très privé, avec du vin très cher et, pour décompresser, quelques stripteaseuses à mater et lignes de coke à sniffer aux lavatories?
Quant au titre, Branta Bernicla, nous apprendrons en cours de route qu?il s?agit du nom latin des brent gooses, ces oies migratrices qui abondent près des plateformes offshore de la mer du Nord où le brent (pétrole) est extrait. Une oie connue pour son instinct grégaire, justement?
C?est donc sur un ton faussement naïf où perce une pointe d?autodérision que Simon nous donne accès aux coulisses de son métier. Ni carriériste bling-bling, ni clone d?un Kerviel, ce héros en demi-teinte nous confie en chemin ses doutes sur tout ce qu?il entreprend, sur sa dépendance amoureuse mal assumée (il se veut célibataire pragmatique mais ne cesse de guetter les SMS d?Elena), sur le destin plus prometteur de son complice d?université Julien (médecin et bientôt père de famille) ou sur son goût pour l?art contemporain (difficile à partager avec son entourage sous peine de se ridiculiser). Mais à force d?osciller entre nonchalance et stress, lucidité et paresse, hyper conscience du monde et jeu désincarné des chiffres, il semble au bord de l?implosion. D?autant que certains scrupules ou soucis inavouables achèvent de le pousser à bout. Le voilà prêt à tout lâcher, commettre une bourde fatale, avant qu?in extremis le système ne lui offre sa compensation hebdomadaire, la perspective d?un week-end de détente exotique. Et déjà, on l?imagine reprendre sa place à l?identique: allez Simon, see you next week. À l?image de ce cours du pétrole qui, au terme de la semaine, sera revenu à son taux initial. Puisque, trêve de spéculation, tout paraît ici toujours
revenir au même.
Dans une langue limpide, empreinte d?un subtil décalage, Pascal Guillet ne cède pas aux facilités d?un sujet à la mode. Bien au contraire, il en démystifie tous les rouages de l?intérieur. Maintenant que les masques sont tombés, la crise boursière étant passée par là, c?est d?un tel tableau de la haute finance, dans la tradition picturale des vanités ? ni satirique ni enragé, mais cruellement clinique ? que nous avions besoin.

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EAN
9782070138470
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