Paulus
Desarthe Agnès
EDL
L'année dernière a commencé le jour où ma mère m'a dit:
- Je ne te comprends pas.
J'étais assise à mon bureau en train de faire un lexique français-latin-grec en trois couleurs dans un cahier à spirale que Tata Gilda m'avait rapporté d'Italie. Je n'ai pas levé la tête.
- Moi, à ton âge... poursuivit ma mère.
C'est exactement le genre de petite phrase qui me fait bondir d'horreur, que je sois en train de regarder la télé ou que je sois au téléphone avec Johana. Je crois que même en pleine nuit, au beau milieu d'un rêve dans lequel je me baladerais sur une plage avec le supermaillot que j'ai vu dans le catalogue de La Redoute, je sursauterais si j'entendais, dans mon sommeil, à travers la porte fermée et du bout du couloir, la voix de ma mère murmurer la fatale expression: «quand j'avais ton âge».
Je me suis fait piéger comme une débutante. J'ai lâché mon feutre vert et j'ai tapé du poing sur la table en rejetant la tête en arrière. J'ai regardé ma mère dans les yeux, en essayant de la persuader de sa propre mesquinerie, mais ça n'a pas marché. Ma mère est très forte. Elle m'a fait ses doux yeux de biche qui brame au clair de lune et a repris depuis le début.
- C'est vrai, je ne te comprends vraiment pas. Moi, à ton âge, j'étais... je ne sais pas... romantique. J'écrivais des poèmes, je faisais des cachotteries, je tenais un journal... enfin, bref! Tu as tout de même quatorze ans et on ne te voit jamais avec un garçon. Toutes tes autres amies se font raccompagner par leur copain après le lycée. C'est Mme Toquet qui me l'a dit...
- C'est pas de ma faute si Coralie Toquet est une pute.
- Non mais, vous entendez ça! Comme tu es vulgaire! Il y a une grande différence entre être amoureuse et être une... Enfin! Je ne te comprends vraiment pas.
Ma mère s'était mise à faire les cent pas tout en parlant et je sentais la tension monter. Il n'en faudrait pas beaucoup plus pour qu'elle se mette à pleurer en disant: «Mais qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu?!» Je décidai donc de couper court à l'hystérie et de la rassurer en bonne petite fille que j'étais.
Je me levai de ma chaise, je lui pris les mains, je la regardai droit dans les yeux et je lui dis, sur un ton de ministre des Finances:
- Maman, ne te fais aucun souci, je ne suis pas une gouine.
- Je ne te comprends pas.
J'étais assise à mon bureau en train de faire un lexique français-latin-grec en trois couleurs dans un cahier à spirale que Tata Gilda m'avait rapporté d'Italie. Je n'ai pas levé la tête.
- Moi, à ton âge... poursuivit ma mère.
C'est exactement le genre de petite phrase qui me fait bondir d'horreur, que je sois en train de regarder la télé ou que je sois au téléphone avec Johana. Je crois que même en pleine nuit, au beau milieu d'un rêve dans lequel je me baladerais sur une plage avec le supermaillot que j'ai vu dans le catalogue de La Redoute, je sursauterais si j'entendais, dans mon sommeil, à travers la porte fermée et du bout du couloir, la voix de ma mère murmurer la fatale expression: «quand j'avais ton âge».
Je me suis fait piéger comme une débutante. J'ai lâché mon feutre vert et j'ai tapé du poing sur la table en rejetant la tête en arrière. J'ai regardé ma mère dans les yeux, en essayant de la persuader de sa propre mesquinerie, mais ça n'a pas marché. Ma mère est très forte. Elle m'a fait ses doux yeux de biche qui brame au clair de lune et a repris depuis le début.
- C'est vrai, je ne te comprends vraiment pas. Moi, à ton âge, j'étais... je ne sais pas... romantique. J'écrivais des poèmes, je faisais des cachotteries, je tenais un journal... enfin, bref! Tu as tout de même quatorze ans et on ne te voit jamais avec un garçon. Toutes tes autres amies se font raccompagner par leur copain après le lycée. C'est Mme Toquet qui me l'a dit...
- C'est pas de ma faute si Coralie Toquet est une pute.
- Non mais, vous entendez ça! Comme tu es vulgaire! Il y a une grande différence entre être amoureuse et être une... Enfin! Je ne te comprends vraiment pas.
Ma mère s'était mise à faire les cent pas tout en parlant et je sentais la tension monter. Il n'en faudrait pas beaucoup plus pour qu'elle se mette à pleurer en disant: «Mais qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu?!» Je décidai donc de couper court à l'hystérie et de la rassurer en bonne petite fille que j'étais.
Je me levai de ma chaise, je lui pris les mains, je la regardai droit dans les yeux et je lui dis, sur un ton de ministre des Finances:
- Maman, ne te fais aucun souci, je ne suis pas une gouine.
15,50 €
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EAN
9782211210942
Caractéristiques
EAN | 9782211210942 |
---|---|
Titre | Paulus |
Auteur | Desarthe Agnès |
Editeur | EDL |
Largeur | 149mm |
Poids | 510gr |
Date de parution | 23/05/2013 |
Nombre de pages | 424 |
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