Fugue

Delaflotte Mehdevi Anne

ACTES SUD







Extrait



Clothilde était au jardin, elle y taillait un buis auquel elle donnait une forme ronde. La musique, qui lui parvenait du salon par la baie laissée ouverte, accompagnait son geste, précis et délicat, du bout des lames. L'Art de la fugue en était au XIVe contrepoint. Quand la musique de Bach cessa au milieu de cette partition dont il n'avait pas écrit la fin, Clothilde continua à sculpter dans le silence.

Concentrée sur l'arbuste, elle ne perçut d'abord que les mouvements de va-et-vient impatients de son chien blanc sur le fond vert des charmilles. Elle se redressa pour en chercher la cause et c'est alors qu'un filet de brise lui fit parvenir l'appel. Elle s'extirpa du dédale de parterres de fleurs rampantes qu'elle laissait empiéter sur les allées et décrocha enfin. C'était juste avant midi, jour de rentrée scolaire.
La directrice de l'école demandait à la jeune mère de venir la rejoindre de toute urgence. Clothilde pensa que quelque chose n'allait pas avec ses jumeaux. Adèle avait-elle déclaré la guerre à l'institution ? Dès sa première rentrée ? Elle siffla Beau et le grand chien blanc des Pyrénées se colla comme une ombre à sa maîtresse. Ils s'engouffrèrent dans la voiture pour rejoindre l'école. Quittant les hauteurs du village pour gagner le pied de la colline à l'opposé du bourg, Clothilde nota en bas dans la plaine un banc de brouillard toujours accroché au lit de la rivière, une traîne blanche, comme un cumulus tombé des nues.

Devant l'école, attendait la directrice, le dos voûté, les mains nouées l'une à l'autre. Noués les doigts de cette femme, nouvelle ici, qui voulait que l'on mît Beau en laisse. Mettre Beau en laisse !
--Ce texte fait référence à l'édition






Broché
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9782330030612
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