Mari et femme

Chapsal Madeleine

LGF







Extrait



Quand le cercueil encordé commença de disparaître dans le caveau, la femme en deuil faillit rire.
De la mise en bière jusqu'à la mise en terre, ce rituel lui semblait tellement saugrenu ! Une tragicomédie ! Car on a beau savoir que naître ne mène qu'à mourir, quand la mort survient pour de bon on se trouve pris de court et on la nie ! Comme on le faisait avant qu'elle survienne : «Pas moi, pas nous, cela ne risque pas de nous arriver !»
Eh bien si ! Julien, son aimé, son mari, est mort et elle assiste à son enterrement. De même qu'elle a assisté à sa dégradation, à ce qu'on appelle l'agonie. Ralentissement de la respiration, puis du coeur, puis silence, puis refroidissement de ce qu'il est convenu - encore un rituel - d'appeler le cadavre.
C'est sans dégoût quoique étonnée qu'à plusieurs reprises Albane a posé ses lèvres sur le front glacial du mort, de ce mort qui est le sien ; peut-on dire cela, peut-on dire «mon mort» ?
Ils en avaient ri ensemble : «Quand l'un de nous deux sera mort, l'autre ira se retirer... où ?» «Moi dans le Var..., disait-elle en riant, j'y ai de bons souvenirs !
- Tu ne m'y trouveras pas, je serai dans les Côtes-d'Armor !
- Brrr, quel froid il y fait, pas pour moi ce coin-là !»
S'ils riaient, c'est qu'ils n'y croyaient pas du tout, à la mort annoncée, pas plus à la sienne qu'à celle de l'autre... De même qu'elle ne croit pas aujourd'hui à celle de Julien en dépit du cérémonial...
Pourquoi tous ces gens viennent-ils l'embrasser, lui chuchoter des mots émus ? Pour la consoler de quoi ? Encore une comédie, ces condoléances !
Ils n'étaient qu'un seul être, elle et Julien, et il est toujours avec elle.
La preuve : elle ne pleure pas.
Que les autres aient la larme à l'oeil, c'est leur affaire, mais ils se méprennent : ils croient Julien mort, alors qu'il n'a jamais été aussi présent.
Albane est blottie contre lui.
--Ce texte fait référence à l'édition






Broché
.



6,95 €
En rupture de stock
EAN
9782253176589
Image non contractuelle