Sainte Russie

Besançon Alain

B.DE FALLOIS

Pourquoi accole-t-on souvent à la Russie l adjectif sainte? Bien entendu si on connaît un peu l histoire de ce pays, on ne voit pas en quoi la Russie serait particulièrement « sainte ». On
parle de la « Terre Sainte », il est vrai, mais personne ne dit sainte France, sainte Allemagne, sainte Angleterre. Alors, pourquoi Sainte Russie?
De même on emploie couramment l adjectif éternelle. Cela pourrait signifier que la Russie n a jamais changé. Pourtant elle a changé plusieurs fois. Pierre le Grand a été une révolution.
Le bolchevisme a été une révolution. On ne dit pas la France éternelle, l Allemagne éternelle, l Angleterre éternelle, dès que l on a la moindre idée des changements historiques profonds qui ont affecté ces pays. Pourquoi Russie éternelle?
Quand en France on lit Tolstoï et Dostoïevski, quand on entend à l opéra La Dame de pique, ou Boris Godounov, il est rare que l on ne fasse pas référence à l âme russe. D où vient cette expression, comment faut-il la prendre, comment s est-elle formée? Les clichés quelquefois tombent assez juste. On dit que les Espagnols sont fiers, les Allemands lourds, les Français légers ou vaniteux. C est souvent faux, parfois vrai. On dit de la même façon des Russes qu ils sont « mystiques ». Mais que signifie ce mot, quand aujourd hui on appelle mystique la passion du football ou un vague état d âme poético-religieux?
Pour répondre à ces questions, il faut aller au-delà de l histoire politique ou économique de la Russie. Il faut remonter à des options religieuses très anciennes, qui viennent de l Église d Orient mais qui ont pris, sous le poids des circonstances historiques, un tour extraordinaire en
Russie. Si l on n entre pas dans la conscience religieuse particulière du peuple russe qui, en effet a peut-être été, sous certaines conditions, marquée de mysticisme, on ne comprend pas Gogol ou Dostoïevski. Ni quelques aspects du communisme.
Français, depuis Voltaire et Diderot nous avons admiré la Russie pour ses réalisations, et nous avons été déçus quand nous avons pu les observer sur place. Nos réactionnaires ont admiré la cour des tsars, et l ordre qu ils faisaient régner. Nos révolutionnaires ont frémi quand la Russie a eu l air d accomplir les buts de notre Révolution. Nos âmes religieuses ont été attendries par
l esprit évangélique dont on croyait son peuple pénétré. Ou bien, las du carcan étroit de notre civilisation, nous avons été attirés par les grands espaces russes et les grands désordres qu ils promettaient. Pourquoi si souvent avons-nous regardé ce pays dans le prisme déformant de nos propres passions, et si rarement avons-nous pris la peine de l étudier comme il était vraiment? J ai composé cet essai pour répondre à ces interrogations. J espère avoir pu éclairer la Russie d une « autre lumière ».

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EAN
9782877067980
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