La Bohême et l'Ivraie

AYERDHAL

DIABLE VAUVERT

Certains événements qui broient les ambitions d'un individu s'effacent au fil de ce qu'il accomplit; ils deviennent d'insignifiantes anecdotes qu'un biographe narrera avec amusement.Les détails anodins s'amoncellent dans une existence et se nouent jusqu'à tresser la trame d'une vie; l'un d'entre eux sert de catalyseur, il est banal, parfois cocasse, souvent lié à l'éclosion de la maturité, en deçà. Juste en deçà.Comparé à la bombe, le détonateur est infime mais, quel que soit le retard qu'il lui impose, il est indispensable. Méfiez-vous des boutons que vous enfoncez, l'un d'entre eux pourrait bien être l'amorce d'un Hitler, d'un Marx ou d'un Christ. Et vous ne le sauriez même pas.Aphorisme bohêmeLa pierre était fraîche sous la soie du saroual, délicieusement fraîche, elle se jouait de la tiédeur de son corps et de la brûlure du soleil, comme si elle refusait d'afficher une température qui ne fut pas la sienne. Été comme hiver, elle maintenait ses dix-huit degrés; les ondes de chaleur stagnaient à quelques centimètres de sa rugosité, la glace n'y avait aucune prise. La pierre de Myve traversait les siècles de sa seule obstination à n'être qu'elle. Il fallait la conserver des semaines entières au zéro kelvin ou des heures au coeur d'une étoile pour que, d'une seule déflagration, elle volât en atomes. La pierre de Myve était vivante; on pouvait la sculpter, la façonner, la tailler, la recouvrir, la broyer, on pouvait la tuer, mais jamais courber son isothermie.

20,00 €
Disponible sur commande
EAN
9782846261340
Image non contractuelle