Le califat du sang

Adler Alexandre

GRASSET







Extrait



Images d'apocalypse de ces hordes qui se rassemblent autour de drapeaux noirs évoquant tout à la fois la couleur préférée des SS et la piraterie de haut bord d'autrefois. Il y a quelque chose de parfaitement effrayant dans l'apparition de l'État islamique, Daech, ISIS en anglais (État islamique au Levant), puisque dans la régionalisation à laquelle al-Qaëda a procédé ces dernières années, un redécoupage du monde musulman est intervenu, qui considère l'Irak, la Syrie, le Liban et la Palestine comme une entité unique, le Levant. On compte aussi des filiales «autonomisées» d'al-Qaëda au Maghreb (Aqmi), dans la péninsule Arabique (Arabie Saoudite et Yémen) et, sans doute plus discrètes, en Égypte et au Soudan, dans la corne de l'Afrique (les Tribunaux islamiques de Somalie), au Pakistan et Afghanistan (les Talibans), en Indonésie, en Asie centrale et peut-être en Europe.
C'est dans cette entité géographique, qui s'étend de la Méditerranée au golfe Persique et englobe tout à la fois Beyrouth, Damas et Bagdad, qu'opère aujourd'hui un parti qui veut établir un «califat» sur le Levant. Ce projet est à la fois dans la continuité des idées d'Oussama Ben Laden, et dans une certaine rupture avec la direction internationale d'al-Qaëda.
Ces insurgés de l'Apocalypse sont capables du pire et ils commettent le pire. Ils rappellent ces gardiens de camps de concentration qui arboraient des têtes de mort sur leurs casquettes sous le IIIe Reich.
Ces jihadistes veulent tuer, mutiler, violer, piller, et ils le font.
La peur qu'ils inspirent évidemment, et pas seulement dans nos contrées plus apaisées, s'explique très bien. Les soldats irakiens, et ils ne sont pas tous sunnites, qui ont jeté leurs fusils et ont fui dès que les miliciens de Daech sont arrivés devant eux, ne sont pas les seuls à être saisis d'un effroi quasi mystique, d'une peur paralysante devant des êtres aussi résolus à mourir qu'à tuer.
Mais nous devons procéder dans ce livre à ce que les physiciens appellent un raisonnement «contre-intuitif». Le raisonnement contre-intuitif est en effet un raisonnement qui, tout en arrivant à rendre compte à terme de ce que l'intuition nous permet d'appréhender, la réfute spontanément au préalable.
Non, jamais les islamistes n'ont fait aussi peur. Leur médiatisation immense a un effet multiplicateur sans précédent du mode de ressenti. Et pourtant, jamais les islamistes n'ont été aussi faibles, à l'échelle de l'ensemble de l'Orient islamique, et c'est ce qu'ils parviennent à cacher par cette mise en scène terrible qui, du fait de la mondialisation des images et de la proximité que nous entretenons à présent avec ces sociétés musulmanes, n'arrive absolument pas à être appréhendée sans un véritable effort sur soi. Nous ressentons une proximité géographique effrayante avec le nord de l'Irak et le désert syrien, et il nous est impossible, à cette aune, d'imaginer que nous sommes tout au contraire en train d'assister aux spasmes d'un mouvement qui sera très probablement entraîné un jour ou l'autre dans une décadence irrémédiable ; mais à un coût en vies humaines encore inconnu, il faut en convenir.



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EAN
9782246854579
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